La Banque du Japon va plus loin CES BANQUES CENTRALES PAR QUI LE MALHEUR ARRIVE, par François Leclerc

Billet invité.

Envisageant que la franche sortie de la déflation du pays ne soit pas pour demain, Haruhiko Kuroda, le gouverneur de la Banque du Japon, a laissé clairement entendre que celle-ci pourrait poursuivre sa politique de création monétaire massive au-delà de la période initialement prévue de deux ans. De fausse alerte en fausse alerte, les milieux financiers continuent de débattre pour savoir si la Fed va ou non engager une diminution de ses achats obligataires aux États-Unis. Avec constance, les deux grands artisans de l’accroissement de la masse monétaire mondiale poursuivent un ouvrage aux conséquences dépassant leurs intentions.

Chacune poursuivant ses objectifs particuliers, les banques centrales contiennent la hausse des taux sur le marché des obligations souveraines en achetant la dette publique de leur pays, un service que la BCE rend également en Europe, mais indirectement via les banques. Dans son sillage, les investisseurs y contribuent, attirés par les rendements que l’on y trouve et l’assurance que des défauts n’interviendront pas. Le désendettement n’étant qu’à peine esquissé, la simple réduction du déficit s’avérant déjà ardue, le coût du service de la dette doit être maitrisé en contenant les taux. Dans l’accomplissement de cette mission, les banques centrales sont devenues le prêteur en dernier ressort des États, prisonnières de leur politique sans pour autant garantir son succès, car les taux obligataires peuvent repartir à la hausse comme un rien.

Rien de nouveau dans ce monde-là, si ce n’est que qu’une interrogation s’y renforce : jusqu’à quand les banques centrales pourront-elles accroître la taille de leurs bilans ? Vont-elles être en mesure, ainsi qu’elles le prétendent, de récupérer les liquidités dont elles ont inondé le marché avec tant de libéralité et réduire ainsi la taille de leur bilan ? Le coup d’arrêt que les marchés financiers ont imposé à la Fed lorsqu’elle a seulement prétendu diminuer ses achats mensuels a montré que ce n’était pas si aisé.

Pendant ce temps, la masse monétaire continue de croître et avec elle des phénomènes sur lesquels les analystes se penchent comme sur une boule de cristal : des bulles financières caractérisées seraient-elles en train de gonfler, en particulier sur le marché immobilier, la faute étant cette fois-ci à la politique de bas taux des banques centrales ? Et, obéissant à sa nature profonde, le système financier prospère et continue d’enfler, le shadow banking manifestant particulièrement sa vigueur. Les régulateurs tentant sans y parvenir de repousser leurs limites et d’homogénéiser leurs règles.

Petit à petit, les éléments d’un rebondissement de la crise se mettent en place, en dépit des mesures stabilisatrices des banques centrales, ou même parfois en raison de celles-ci. La recherche d’un meilleur rendement accroit l’appétit au risque et favorise le redémarrage de marchés financiers ralentis, tandis que l’addition de la nouvelle donne réglementaire, de l’immobilisation au bilan des banques centrales de quantités importantes d’actifs, et d’une défiance loin d’être dissipée créent un goulot d’étranglement lorsqu’il s’agit de garantir les transactions en apportant du collatéral. Des services de transformation de celui-ci fleurissent dans le monde bancaire, artisans d’innovations financières plus ou moins hasardeuses. Mais, dans ce domaine comme dans d’autres, nécessité fait loi !

En inondant de liquidités le système financier pour le stabiliser, les banques centrales suscitent de nouveaux facteurs d’instabilité qu’elles ne maitrisent pas. A qui pourront-elles se vouer en ultime dernier ressort ?